Je me demande bien qui suis-je pour elle ?
Indépendante, si libre, affranchie de tant de cadres et de règles, qui conduit, traverse le monde, dors seule dans son camion au milieu de nul part.
Sans religion comme colonne vertébrale.
Sans enfant vivant avec moi pour donner de la valeur à mon existence.
Sans mari pour me protéger.
Sans abaya pour invisibiliser mon corps de femme.
Sans visage entièrement voilé comme rempart au monde.
Sans chaperon masculin pour me tenir dans le droit chemin.
Sans appartenance à une grande famille pour me donner une place dans la société.
Sans rituel de prière 5 fois par jour pour me rappeler à Dieu.
Elle, qui, dès les 1ers instants de notre rencontre me dit qu’ici les femmes sont libres, contrairement à ce qui est véhiculé en Europe,
que les mariages ne sont pas arrangés (un homme leur ai présenté, elle le rencontre quelques heures puis décide si oui ou non elle veut l’épouser.,
Qu’elles sont libres de leurs mouvements, de leurs pensées, de leurs actes …. tant que cela reste dans la cadre stricte de ce que le Livre Sacré et de ce que les Hommes imposent….
Elle, pour qui imaginé avoir un petit copain ou même un ami masculin est strictement interdit.
Qui, comme toutes ses amies à la fac portent l’abaya en cours car “elles sont ornées de jolies galons ou broderies” ça donne à voir notre différence me dit elle
(“montre moi ton abaya, je te dirai de quel milieu social tu es et si tu es religieuse assez ou pas”)
Elle est très enthousiaste à me parler de sa religion, de ses règles pour le bien de tous et qui rendent le pays non violent, sécure, sans problème de vols ou de délinquance …. contrairement à chez nous….
Une envie de me convaincre de quoique ce soit ?! je ne sais pas
En tout cas un désir, un coeur, une volonté de donner à voir une autre image que les clichés véhiculés en occident sur son pays, sa culture et sa religion…
Cette rencontre est venue chez moi, comme chez elles certainement, déconstruire quelques idées préconçues, ouvrir le regard, le porter ailleurs et différemment, donner à entendre beaucoup plus de nuances et de diversité que ce que l’on imagine.
Cette rencontre avec toutes ces femmes est aussi venue, confirmer des idées, des points de vue, ….
A commencer par celui
– que chacun voit midi à sa porte,
– que l’on vit/voit/expérimente/conçoit son monde à partir de son référentiel interne
– que ce référentiel n’est jamais le même que celui de la voisine (encore moins si celle ci vient d’un autre pays !)
– que le monde / une société/ un pays / une religion / une culture est très très loin d’être noir ou blanc, que c’est TOUJOURS l’expression d’une très grande diversité même dans une certaine homogénéité apparente
– que chacun regarde l’Autre à travers sa paire de lunettes grossissante, déformante, rayée, mal ajustée, mal lavée et pleine d’angle morts !
Chacune à sa cohérence, ses repères, ses croyances, ses socles, ses charpentes internes ou externes pour rester debout, vivante, intégrée et intègre selon ses valeurs, sa religion, son éthique…
Chercher à comprendre mais ne pas chercher à convaincre
Écouter, questionner et prendre réellement en compte l’expérience et le point de vue de l’autre
Déconstruire son regard, sa pensée, ses jugements
Cette jeune femme est comme elle est.
Et elle est tellement plus que ce que je perçois et ce que je comprends d’elle …
Et elle est aussi tellement plus que ce qu’elle me dit d’elle-même …
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