Arrivée en Géorgie, à Batumi
La ville est agréable
Ça me permet d’atterrir en douceur et d’intégrer le changement de pays.
Ex pays de l’Union Soviétique c’est radicalement différent de la Turquie.
Jusqu’ici tout va bien
Mais le long de la côte aura une atmosphère bien différente.
Vestiges d’un âge d’or
Successions de villages balnéaires avec de grands bâtiments dans de grands parcs donnant sur la mer,
le tout abandonné.
Je roule quelques dizaines de kilomètres pour m’arrêter sur une plage.
Je vais marcher
Je me sens un peu étourdie, un peu cotonneuse
Je repère dans mon corps : tonicité musculaire dans les bras et le dos supérieure à “la normal”, ventre tendu, cage thoracique un peu serré, rythme cardiaque légèrement plus rapide, sensation de lourdeur dans le haut du dos.
Est-ce dû à la fatigue (la circulation presque incessante à rendue ma nuit agitée et courte) ?
Au changement d’énergie lié au passage de frontière (j’ai l’impression que mes cellules sont un peu déboussolées et ont besoin de prendre appui sur quelques repères pour retrouver leur nord !) ?
À la fatigue de la longue route d’hier ?
A un biais d’ancrage de 1ere exposition : j’avais eu un sentiment d’insécurité le long de la côte les premiers cents kilomètres après la frontière quand je suis passée par là à vélo il y a 18 ans.
Je remarque que mon regard intranquille scanne mon environnement.
Il cherche des indices pour infirmer ou confirmer cette sensation qui me dit “vigilance”
Rien de particulier jusque là
Deux femmes assises les pieds dans le sable qui discutent
Deux gamins qui jouent
Une femme qui se baigne
Un homme qui langui sur la plage
Quelques chiens
Le sable noir
Un homme en caleçon qui lave du linge
Une tête de junkie
Des jambes squelettiques
Un autre homme légèrement titubant
Des gestes un peu brusques et désordonnés
Des vêtements abîmés, manifestement sales
Le visage bouffis
Son regard qui me fait frissonner
Une odeur de shit en plus des miasmes de consommateurs d’héroïne ou de crack
Je fais demi tour
Encore un frisson
Mon rythme cardiaque qui s’accélère légèrement
Mon pas qui en fait autant
Ma tonicité musculaire qui monte d’un cran
Atmosphère d’alcoolo-camé-clodo- craignos
Chalo*
Ça m’a coupé nette l’envie de passer la nuit sur cette belle plage de sable noir
Je prends la route pour la ville suivante : Kutaisi
Ma Neuroception, mon alliée
Encore une fois, je suis témoin de mon système nerveux capable de tant de finesse pour détecter les signaux invisibles.
Tous ces mécanismes qui opèrent sous la conscience
Des signaux subtiles qui flottent dans l’espace liminal.
Des bribes d’indices qui deviennent un peu plus perceptibles.
Ma conscience ne capte ces signaux qu’en repérant ce qui se passe dans mon corps par le biais des sensations.
Des indices à remarquer, écouter prendre en compte, valoriser.
Sinon je passe à côté.
J’observe l’intelligence de cette fascinante “neuroception” à l’œuvre
Je n’ai rien faire
Ce vivant-intelligent est là
Tellement plus fiable que le mental
Tout est là
J’ai juste à être à l’écoute
Mon corps est ma meilleure antenne
Mon meilleur GPS interne
Ma meilleure boussole
Mon meilleur allié
Je remercie cette machinerie tellement brillante, tellement efficace, rapide, sensible, protectrice
Et aussi adaptable, flexible, agile, soutenante.
C’est pour ça que j’aime tant accompagner, transmettre, guider.
Parce que j’ai une sorte de confiance absolue que ceci ( potentiel de résilience, de désapprentissage et ré- apprentissage, de croissance, de reliance, de connexion …. ) est chez toutes et tous.
*Une expression courante qui m’est restée d’Inde qui signifie “aller/avance”