Dans un travail où le professionnel est profondément nourri et en interrelation avec le cheminement personnel je me suis souvent posée cette question : Qu'est-ce que je peux partager aux personnes qui sont inscrites à ma newsletter, lisent mes articles, s'intéressent à mon travail ? Du personnel et de l'intime qu'est-ce que j'ai le droit de donner à lire ? Qu'est-ce que je suis en capacité de donner à voir de mes traversées, de mes joies et de mes peines ? J'ai très longtemps hésité à partager la merveilleuse nouvelle de ma grossesse. J'ai finalement décidé de le faire pour informer et justifier d'une suspension de mon activité pendant presque 6 mois sur une période en générale plutôt active (le printemps et l'été) et d'une reprise au ralentie à partir d'octobre 2018. Parce que les personnes que j'avais rencontrées en stage ces trois derniers mois m'avaient vu enceinte et souhaitaient avoir des nouvelles à la naissance, j'ai senti la justesse et même la responsabilité de leur dire ... Et puis après. Tous les autres ? Vous qui avez certainement lu la newsletter de février.... J'informe ? Je n'informe pas ? Je partage, je ne partage pas ? Je ne dis rien peut être qu'ils ont oublié... La peur de devoir affronter la question dans quelques semaines ou mois : "et ton bébé, cette nouvelle vie de maman ça va ??" Et parce que je ne me vois pas me murer dans le silence ou le non-dit. J'ai décidé de vous partager ma rencontre tout à fait singulière avec notre petit garçon Loumi. Voici le courriel envoyé le 11 mai aux participants des stages des derniers mois.
La vie se donne et se retire pour des raisons qui nous dépassent largement….
A presque 8 mois de grossesse le bébé que nous attendions est décédé in utéro le 29 avril 2018
Après plus de 2 jours et 2 nuits de travail je l’ai mis au monde naturellement à la maternité de Romans.
Il est né le 5 mai.
Nous l’avons prénommé Loumi, inspiré de lumière…
Je navigue depuis 10 jours entre différents niveaux de consciences : il y a mon être d’humaine profondément attristée et bouleversée par cet événement. Et puis il y a une autre partie de moi, reliée à bien plus vaste que ma personne, qui sait que chaque chose arrive pour servir un dessein bien plus grand que ce que ma conscience peut embrasser et que je ne saisi pas.
Malgré la grande peine j’éprouve une immense gratitude pour ce petit être de lumière qui nous a honoré de sa présence pendant presque 8 mois.
Quel bonheur et quel flot d’amour cela a été d’être en sa présence.
Quelle joie de vie à 3 !
Nous avions imaginé que ça serait pour bien plus longtemps mais c’est pour beaucoup moins, du moins dans la matière ….
Malgré les grandes vagues de larmes, bizarrement, je ressens aussi beaucoup d’amour,
pour Loumi,
pour le couple que nous formons avec son papa,
pour l’univers de nous avoir permis de nous rencontrer,
pour la Vie dans toute sa fragilité, sa puissance et sa souveraineté parfois si intraitable et non négociable.
La vie est maîtresse en son royaume, je ne peux que m’incliner.
Je prend aussi le droit de lui dire “fuck” autant que “merci”.
Je suis épuisée physiquement, contrecoup de l’accouchement interminable, de l’absorption du choc, de l’intégration de la nouvelle dimension dans laquelle je dois me glisser bien loin de celle que j’avais préparé et imaginé avec un bébé, de l’acceptation de cette nouvelle réalité dont je ne perçois pas les tenants et les aboutissants mais qui je présent va être considérable…
Je n’ai pas vu ses yeux mais j’ai ses petites empreintes. Je n’ai pas entendu son cri à la naissance mais sa voix va guider vers un peu plus de lumière et d’amour dans ma vie. Son couffin est vide mais sa présence rempli toute la maison sûrement encore pour longtemps…
Accueillir, accepter et aimer ce qui est. C’est tout ce que je peux faire.
La vie n’est que lumière et amour, difficile à entendre et à accueillir quand elle est si brutale mais pourtant c’est si vrai. Décalée de mon esprit égotique je le ressens tellement… Je remercie les épreuves passées et le chemin parcouru de m’avoir doté de cette aptitude à faire des pas de coté pour moins souffrir aujourd’hui…
9 mai 2018
Béatrice
4 Responses
Bonjour Béatrice,
Tout ce que vous dites est si vrai…et j’ai beaucoup de respect pour vous, qui le vivez avec cette conscience là.
J’ai vécu cela “à distance” avec la mort de mon petit fils quelques jours après sa naissance…ses parents le savaient et l’ont accompagné jusqu’au bout…mais pourquoi partir si vite?
Comme vous le dites, la vie a des desseins plus grands…je crois, en tout cas, que ce petit être a fait bouger les lignes chez ses parents qui ne se seraient sans doute pas crus capable de ce qu’ils ont fait et aussi du corps médical qui a vu que c’était possible d’accompagner un nouveau-né vers sa mort. Cela fait 4 ans maintenant, mais il est toujours avec nous.
Recevez, Béatrice, mes pensées les meilleures.
Je vous embrasse
Dominique
Bonsoir Béatrice,
Tu m’évoques une amazone royale et je te remercie pour la délicatesse de ton témoignage.
Tendresse
Pascale
Je lisais ton mot aujourd’hui, et puis je suis partie au Qiqong, Loumi m’a accompagné, larmes et soleil ça m’y connait, les maladies d’enfant aussi… quelque part, on y est tous, et ouvrir le coeur semble la moindre des choses pour remercier ces bout’chou qui nous apprennent tout
Merci à toi pour ce témoignage si vrai, intime et sincère.
Merci de te donner à voir en toute honnêteté
Merci pour ce partage plein de courage et d amour
De tout coeur avec vous
Aurélia