Qu’est ce qui nous fait prendre parfois des décisions étonnantes, “sans raisons”, des choix inexpliqués et inexplicables, des directions jugées à postériori “folles, imprudentes, risquées » ?
On parle au choix, d’intuition, de 6ème sens, d’inspiration, de ressenti, d’illumination, de guidance interne, de “petite voix”. Aujourd’hui j’ai envie de vous raconter l’une de mes intuitions les plus … irrationnelles.
Un beau matin de l’été 2007, alors que je voulais rejoindre Lhassa en vélo (comme je vous l’ai raconté dans cet article), je me suis réveillée sous ma tente à la chaleur étouffante, dans le camping d’Islamabad au Pakistan, avec cette idée évidente comme le nez au milieu de la figure : “c’est par l’Afghanistan que je dois passer”. Pourtant je m’étais endormie la veille avec un tout autre trajet pour rejoindre le Tibet mais je me suis réveillée avec Kabul en tête… Voici quelques éléments de réponse sur ce changement d’itinéraire soudain et pas très raisonnable!
Ce dimanche matin-là je me souviens avoir été excitée comme une puce à cette nouvelle idée. Ce qui me mettait autant en joie c’était en premier lieu l’intuition absolue, la délicieuse évidence de la suite de mon périple.
Mais d’autre part j’étais animée par la curiosité, le goût de l’aventure et la conviction que le caractère « extra-ordinaire » de cette décision, allait me dévoiler un territoire stupéfiant et bouleversant, et me révéler le gouffre entre les images véhiculées en Europe par les médias et la réalité humaine de ce pays.
Ce pays gangrené par les talibans, considéré comme le 2eme pays le plus dangereux au monde après l’Iraq, en faisait une destination absolument impossible. Pourtant, ma décision était prise le 11 juillet 2007 je partais en direction de Kabul ! Rien en moi n’hésitait. Je vivais ce qu’explique Judee Gee “Lorsque nous savons quelque chose avec notre intuition, nous le savons avec nos os, avec notre cœur ; c est une connaissance, une certitude qui résonne dans l’ensemble du corps”.
Kabul
Une ville mythique et mystérieuse à plusieurs titres pour moi et c’est avec le recul que je comprends que ma décision n’était pas uniquement le fruit d’une inspiration “spirituelle”.
Du fond de mon esprit, je retrouvais d’anciennes lectures évoquant cette ville cosmopolite sur le chemin transasiatique de Londres à Katmandou. Kabul était un lieu incontournable pour des soixante huitards fumeurs de pétards, amateurs d’expériences mystiques et consommateurs d’opium.
Me revenaient en tête des photos d’afghanes en mini-jupes, les cheveux au vent, exerçant les professions d’avocates, d’enseignantes ou de médecins par exemple. A cette époque dans la capitale on faisait la fête dans une ambiance de liberté de mœurs en contradiction totale avec l’image que nous en avons aujourd’hui. Un Iranien rencontré un an plus tôt à Téhéran m’avait témoigné de cette belle époque dans les année 60-70. (Je me souviens d’ailleurs que son témoignage avait fait naître l’envie d’y passer mais face aux nombreuses tribulations dans les pays sans difficultés j’avais vite oublié cette idée surréaliste!)
Ces images venaient évidemment se télescoper dans ma têtes avec les reportages diffusés à longueur de temps aux infos, les montrant en burka, opprimées et privées de toute liberté.
Cela ne faisait qu’attiser encore mon désir d’aller sentir, goûter, humer, contempler, palper sans filtre la réalité de ce pays. Mais de vous à moi, cette « intuition » restait tout de même complètement absurde sur le papier et ce débat se joua en une fraction de seconde à la lisière de ma conscience.
Si bien que ce jour-là, je me levais avec, non pas un raisonnement, mais belle et bien une « intuition.
Et justement, l’intuition, parlons-en.
Dans nos cerveaux rien ne se perd
Revenons à l’intuition et ses mécanismes dans notre cerveau bien câblé :
Contrairement à ce que vous pourriez penser, l’intuition n’est pas que le résultat d’une conscience spirituelle éveillée et bien reliée. Thème de recherche des neurosciences depuis une dizaine d’année, l’intuition est, pour les chercheurs, la marque de l’intelligence de notre inconscient. Elle est le fruit de la mise en lien d’une multitude d’informations, de connaissances et d’expériences.
Toute expérience, depuis votre naissances et même avant, est enregistrée dans votre cerveau. Jusque-là, tout va bien.
Chaque stimulus sensoriel, chose lue, entendue, vue, chaque connaissance reçue, compétence acquise, savoir-faire et savoir-être, échanges etc. est encodé dans votre mémoire.
Or, votre cerveau est un organe indépendant et autonome qui a sa propre logique, sa propre manière de classer les choses, de ranger les expériences et les savoirs acquis au fil des années. Et surtout il n’oublie jamais rien, même si votre mental à parfois l’impression, voire la certitude du contraire !
Un radar ultra rapide et hyper performant
Il est plus rapide que vous ! 300 millièmes de seconde avant que vous en ayez conscience il a déjà pris la décision d’agir dans tel ou tel sens. En effet, les cents milliards de neurones logés entre vos deux oreilles sont une véritable centrale de traitement et d’analyse des centaines de stimuli auxquels vous êtes soumis chaque seconde. Dans mon cas, comme je vous le disais passer par l’Afghanistan ne m’a pas demandé de longues heures de débat.
Votre cerveau est un radar ultra rapide et hyper performant qui capte les micromouvements d’un visage et les gestes presque imperceptibles d’un corps, qui perçoit les variations dans la respiration, dans l’intonation de la voix, la pigmentation de la peau, les changements d’atmosphère dans une salle etc. Toutes ces infos sont captées, analysées et mises en lien avec des souvenirs antérieurs et des savoirs, de manière inconsciente par votre cerveau.
C’est ainsi que de mon côté, je me surprends souvent à proposer une idée ou à poser une question en plein stage sans l’avoir anticipée, imaginée ou préparée avant. Simplement, elle m’apparaît parce qu’un détail infime a stimulé les archives de mon cerveau et a fait remonter jusqu’à ma conscience cette connaissance utile à l’instant T.
L’intuition : un savoir-être et un savoir-faire au service de votre travail d’accompagnant
En tant que professionnel de la relation humaine – coach, consultant, formateur etc. – vous avez dû être souvent dans ce genre de situation où vous prenez une décision inexpliquée et inexplicable.
Un truc du genre “je ne sais pas pourquoi, mais je lui ai fait cette proposition instinctivement”.
Pourtant ça n’est ni dans le programme prévu ni dans ce que vous avez pu anticiper dans la préparation de la rencontre.
Ces choix et ces actions sont le fruit d’une synthèse astucieuse entre la situation présente, vos observations du langage verbal et para verbal de vos interlocuteurs, le contexte etc.
En fait votre cerveau (donc vous!) fait des prouesses plus souvent qu’on ne le pense : il amasse une quantité phénoménale de données, dont la plupart échappent à la vigie de notre conscience, et qui sont réutilisées après coup “à l’insu de notre plein gré”
Peut-être y-t-il une part “d’illumination venue d’ailleurs”. Cela dit, prétendre que les bonnes idées viennent du ciel ok, mais reconnaître son expertise, acquise au fil des expériences professionnelles et personnelles, ses savoir-faire et ses aptitudes, c’est bien aussi !
Pour entraîner cette aptitude naturelle de votre cerveau rien de plus simple :
Exercer votre curiosité et votre esprit d’explorateur,
Stimuler votre cerveau en le mettant régulièrement en situation de découverte et de rencontre avec du nouveau,
Développer vos cinq sens par des activités variées,
Cultiver le plaisir, la joie, les relations bienveillantes (un cerveau heureux est plus enclin au renouvellement!)
Laisser poser et reposer toutes ces infos, mettre de temps en temps votre esprit en mode “glandouille” pour laisser votre cerveau engrammer et connecter toutes ces nouvelles ressources (pour en savoir plus lire l’article sur les étapes du processus créatif)
Muscler votre patience et votre confiance, le miracle, les bonnes idées, la transformation, la résilience finissent toujours par arriver …
Retour en Afghanistan
Pour terminer, sachez que le 14 juillet 2007, je franchis la frontière afghane, que j’y ai rencontré des personnes incroyablement accueillantes et soucieuses de ma sécurité. Les trois semaines en Afghanistan ont été profondément saisissante et émouvantes. Mon intuition était donc la bonne…
Et vous, avez-vous déjà pris une décision apparemment irrationnelle qui avec le recul était le fruit d’une somme d’expériences et de connaissances accumulées avant ? Partagez-les avec nous en commentaires, elles seront peut-être le socle des intuitions prochaines d’autres lecteurs.
Pour conclure il me vient cette citation de Carl Jung : ” Apprenez vos théories aussi bien que vous le pouvez, puis mettez-les de côté quand vous entrez en contact avec le vivant miracle de l’âme humaine.”